Le film du dimanche soir

le film du dimanche soir

Au collège Albert Camus, la récréation du lundi matin bat son plein. Chacun y va de son commentaire à propos du film de TF1 du dimanche soir. Cette semaine, la chaîne diffusait Star Wars épisode 4 qui en réalité le plus ancien de la série, mais je ne vais pas vous expliquer ces subtilités de marketing. J’adore ce genre de film que je ne raterai pour rien au monde, sauf que ce matin, je ne participe pas aux commentaires pour la bonne et simple raison que je n’ai pas eu le droit de le regarder. Mes parents n’ont rien voulu savoir !

Bien sous tous rapports

A quatorze ans, j’assure plutôt en classe. Bon élève, je truste souvent les premières places. Pourtant, à la maison, cela m’apporte peu de privilèges. En tant qu’ainé d’une fratrie de trois garçons, je dois donner l’exemple à mes cadets. En fait j’essuie les plâtres. La place n’est pas enviable, j’apparais comme un explorateur qui découvre de nouveaux territoires, ainsi mes frères suivent le sentier que je balise petit à petit.

Le film du dimanche soir

Mon prochain chantier et défi consiste à pouvoir regarder la télévision le soir au moins une fois de temps en temps. Le film du dimanche soir conviendrait parfaitement à cette ambition. Les meilleurs fictions sortent sur les petits écrans ce soir-là, avec presque un mètre cinquante de diagonale, ce n’est plus tout à fait le « petit écran ». En plus, la concurrence que se livrent TF1 et France 2, permet de monter le niveau de la popularité le l’œuvre diffusée. Je dois réussir ce pari, pour moi, mais aussi mes pour frangins.

Premier essai

Ma première tentative remonte au mois dernier, j’essaie la négociation. J’argumente avec mes bons résultats scolaires, comme une sorte de récompense et surtout un encouragement à continuer dans cette voie. Mes justifications tombent aussitôt à plat. Si, justement, mes notes au collège dépassent la moyenne et se situent en haut du tableau, cela provient du repos adapté à mon activité et qu’un changement de rythme ne peut devenir que préjudiciable pour les trimestres à venir. Raté !

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Deuxième essai

Ma deuxième tentative pour faire plier mes géniteurs est un peu plus sournoise. Je profite de la présence de mon oncle préféré pour me faire oublier. Il passe à la maison à un moment opportun et entame une conversation passionnante avec mes vieux. Dans l’affaire, ils ne pensent pas à clamer comme chaque soir « Il est l’heure de monter vous coucher ! » Mon oncle fait partie du complot, mais nous nous faisons griller à cause d’un clin d’œil appuyé qu’il croit bon de m’envoyer. Quel amateur ! Ma mère, toujours à l’affut ou douée d’un sixième sens, s’en rend compte et aussitôt, la phrase honnie retentit. Encore raté !

Troisième essai

Ma troisième tentative, carrément hors-la-loi, se déroule dès la semaine suivante. Après avoir étudié à fond les plans de la maison, je détecte une faille dans le système de sécurité. Il y a deux portes d’accès qui mènent au séjour avec le coin salon où trône la télévision. La première, la plus utilisée, donne sur la cuisine. Aucune chance de ce côté, de plus ma mère, pour quelque raison obscure, se lève régulièrement pour mener ses activités dans cette pièce, tel un tour de garde. Elle empêche toute intrusion de ce côté.

Un plan à la Albert Spaggiari

Par contre, la deuxième porte donne sur l’entrée de la maison. Celle-là suscite beaucoup moins de surveillance car moins empruntée. Le seul moment critique arrive pendant la page de publicité, mon père se lève et en profite pour soulager sa vessie. Comme le trajet jusqu’aux toilettes fait environ quatre mètres soixante de moins, Il passe toujours par ce chemin. La chasse d’eau m’informe sur son retour. Le reste du temps personne ne transite par là, un bon point d’entrée !

Je mérite vraiment mon film du dimanche soir

Ma stratégie consiste à monter à l’étage, comme d’habitude, et de redescendre à pas de loup, surtout en évitant de faire craquer les marches de l’escalier. En journée, personne ne remarque le bruit qu’elles génèrent, mais le soir dans le silence, on dirait le Titanic qui se casse en deux à chaque marche. Je dois redoubler de vigilance. Ensuite, je me glisse au fond de la pièce via la deuxième porte et je me planque sous la table. L’angle de vision obtenu vers l’écran avoisine les quatre-vingt-dix pour cent, donc une position quasi parfaite pour profiter du spectacle.

Une exécution parfaite

J’applique mon plan sans tarder. Manque de pot, nous avons vu le film proposé ce soir-là en famille au cinéma. Tant pis, je teste quand même mes calculs, et, si tout fonctionne comme espéré, je reproduirai les semaines suivantes ce protocole. Au début, pas un accroc, mes parents sont réglés comme des coucous suisses. J’anticipe donc tous leurs mouvements. Même le moment redouté de la page de publicité, passe comme une élection à la Poutine. Ma position me gène un peu, mais il faut savoir quel résultat on veut. Le film avance, plus que la moitié.

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Le facteur humain

Dans toute mécanique, il y a l’élément humain toujours difficile à prévoir. Celui qui fait rater, même le plan le mieux orchestré. Dans mon cas, ma mère se met à commenter l’action du film. Elle a toujours du mal à se souvenir, entre deux diffusions, de la chronologie. Là, elle affirme à mon père que l’héroïne a une attitude bizarre, elle ne devrait pas flirter avec l’un des héros vu qu’ils sont de famille. Mon père ne réagit même pas à l’énormité de cette remarque à contre-courant du scénario.

Oups !

De mon côté, je ne peux laisser dire cette absurdité sans m’en offusquer. Et donc j’interpelle la fautive et lui rappelle qu’on ne va apprendre la filiations des deux personnes que plus tard et donc leur réaction coule de source. Au moment où je termine ma phrase, je m’aperçois de mon erreur. Au lieu de rester incognito comme le héros du film, je sors au grand jour et me voilà découvert par cette remarque stupide.

La surprise

Pour commencer, ma mère pousse un cri, elle ne s’attendait pas à ce que quelqu’un intervienne. Mais sa frayeur ne dure pas, elle me somme de m’expliquer sur ma présence sous la table. Je suis pris. Je n’ai aucune explication valable à fournir et je m’apprête donc à subir les foudres de ma génitrice. Quelle punition va-t-elle m’infliger pour avoir manigancé un tel stratagème ?

Le film du dimanche soir

Je tente un rappel à la merveilleuse soirée en famille que nous avions passé lors du visionnage du film au cinéma. Comment nous avions enchaîné avec une gaufre au chocolat pour parfaire l’ambiance. C’est pourquoi, afin de me remémorer tous ces souvenirs, j’avais envie de revoir cette comédie avec eux. L’évocation de cette soirée provoque une onde de nostalgie qui me surprend, et, contre toute attente, je regarde la fin du film en leur compagnie.

Avez-vous, vous aussi, été confronté au problème du film du dimanche soir ? Quelles solutions avez-vous mises en place pour faire face à ce problème ? Je vous encourage à me faire un commentaire pour me l’expliquer.

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