Qui a envie de siffler ?

Il n'y a plus rien à siffler

Siffler, un délit ?

Cela fait maintenant dix minutes que la classe est silencieuse. On entendrait une mouche voler si c’était la bonne saison. Mais rien, personne ne moufte.  » Alors j’attends !  » C’est notre maîtresse d’école du CM2 qui exprime ainsi son autorité. Elle a des idées pédagogiques parfois un peu originales, un lapin en a déjà fait les frais. En ce moment, si elle nous maintien dans ce silence pesant, c’est qu’elle a entendu quelqu’un siffler. Rien d’extraordinaire me direz-vous, mais pour elle c’est une atteinte intolérable à la discipline. Le siffleur doit se dénoncer où l’année scolaire va s’achever maintenant. Aucune activité ne peut continuer tant que ce mystère n’est pas résolu. Nous ne sommes que début avril, notre programme comporte encore deux ou trois bricoles à apprendre. Va-t-elle mettre sa menace à exécution ? Le silence se prolonge.

Comment démasquer un coupable ?

Elle change de tactique. Elle s’adresse directement à l’élève situé au premier rang tout à droite.

  • – Est-ce que c’est toi qui a sifflé ?
  • – Non maîtresse.
  • – Tu es sûr ? tu ne dois pas mentir sinon …
  • – Mais non maîtresse, ce n’est pas moi. Et il s’effondre les larmes dans les yeux.

Elle cible à présent son voisin de table et repose sa question. La réponse ne varie pas. Elle cuisine ainsi toute la classe, du premier au dernier, nous sommes vingt-quatre. Sa fureur augmente au fur et à mesure de la progression de son enquête. Le ton employé pour les derniers fait froid dans le dos et les pleurs engendrés par sa technique se multiplient.

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Une double enquête

Pendant cet interrogatoire collectif, nous échangeons discrètement. Une investigation parallèle se déroule à sa barbe. C’est une image, notre maîtresse n’a pas un poil de trop qui dépasse, je dirai même avec le recul des ans, qu’elle était plutôt jolie. Cette consultation ne tarde pas à porter ses fruits. La fautive est rapidement identifiée, elle se prénomme Valérie. A partir de ce moment un débat s’engage, doit-elle se dénoncer ? Si elle refuse, quelqu’un doit-il s’en charger ? Les avis sont partagés. Valérie est une élève qui d’habitude ne fait pas particulièrement parler d’elle. Une bonne camarade parfois un peu casse-pied, mais cela justifie-t-il un mouchardage ?

Persécution à la soviétique

La maîtresse de plus en plus irritée modifie son approche. Elle recommence son tour de classe, non sans nous avoir auparavant menacés des pires sanctions collectives si le coupable n’était pas identifié dans les cinq minutes suivantes. Elle interroge les compagnons de table :

  • – Est-ce que tu as entendu ton camarade siffler ?
  • – Non maîtresse.
  • – Tu es sûr ? si je découvre que c’est lui, tu deviendras son complice tu auras la même punition. Je te repose donc la question, as-tu entendu ton camarade siffler ?
  • – Mais non maîtresse, j’ai rien fait, c’est pas moi !

Et rebelote, elle balaie à nouveau l’assistance. L’issue reste identique, ce n’est personne. Si elle avait été un peu plus attentive, au moment d’interroger la voisine de Valérie, elle aurait senti la nervosité ambiante. Tout à sa stratégie de grande personne, elle est restée aveugle.

Trahison ou solidarité ?

Toute la classe, excepté la maîtresse, connaît maintenant la fautive. Certains sont prêts à craquer, les plus faibles sont priés de la fermer : Il n’y aura pas de trahison. La maîtresse est dans une impasse, son autorité bafouée. Inventive, je sens qu’elle nous prépare une contre-attaque.

  • – Puisque la personne qui a sifflé n’est pas assez courageuse pour assumer son acte, je vais désigner un élève au hasard, c’est lui qui aura la punition. Je laisse une dernière chance à l’élève de se désigner… Bien.
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Elle prend son grand cahier, ferme ostensiblement les yeux en levant la tête et son doigt, tel un couperet, s’abat sur la liste des élèves. Nous retenons notre souffle.

  • – Jérôme !
  • – Oui maîtresse ?
  • – C’est toi qui seras puni, je vais te conduire tout de suite chez les maternelles où tu iras au coin devant les tout-petits.
  • – J’ai rien fait, c’est pas juste, pourquoi moi ?
  • – C’est comme ça, allez hop, tu viens ! A moins que tu ne connaisses celui ou celle qui a sifflé ?

Un nouvel héros

Jérôme ne répond pas et se lève. Il se dirige vers la porte de la classe tel un martyr vers le peloton d’exécution. Son prestige grandi, dès le moment où il franchi le seuil de la salle. Son emprisonnement fut de courte durée, l’incident avait débuté au milieu de l’après-midi. Pour lui, cette heure passée au milieu des rase-mottes, fut un excellent investissement en popularité. La maîtresse lui a rendu un grand service avec sa sentence. Pendant ce temps-là, elle retrouve son sourire, libérée de l’escalade de la terreur qu’elle avait engagée. L’incident clos, le reste des cours se déroula comme si rien n’était. Valérie ne fut pas inquiétée, elle hérita seulement du surnom de « la siffleuse ».

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