Il fait beau et le soleil s’invite à travers les hautes fenêtres de la salle des mariages de la mairie. Avec près de 5 mètres sous plafond, ce majestueux décor forme le parfait écrin de la cérémonie qui se déroule en ce moment. L’assistance est clairsemée, mais dans ces cas-là, on dit toujours que la qualité compense la quantité. La mariée, Olga, une jeune beauté slave de vingt-cinq ans, semble émue par la célébration dont elle se trouve la principale protagoniste. Cependant, elle ne parle quasiment pas le français, elle a donc du mal à suivre les paroles du maire qui officie. Heureusement pour elle, Vladimir son témoin et ancien compatriote, est installé dans la région depuis plusieurs années. Il lui traduit les paroles importantes, afin qu’elle accomplisse les gestes et les rites qu’on attend d’elle.
Une sœur aimante
René, qui joue le rôle du marié, parait un peu moins frais que sa future jeune épouse, en effet il vient de fêter ses quatre-vingt-trois ans. Il porte pour cette occasion, un costume neuf de la dernière mode. Ce déguisement, pense-t-il, donne le change parce qu’il est loin d’être détendu, comme il essaie de le laisser paraître. Jamais il n’aurait pensé un jour se marier, et encore moins, avec une fille venue d’on ne sait où, de là-bas loin, d’un des pays de l’est dont il ne se rappelle même plus le nom. Mais, voici le prix à payer pour qu’il reste à vivre dans la ferme qui l’a vu naître. Vu son âge, il n’a pas envie de tester un autre logis. Les événements s’enchaînent depuis la mort de Aimée, sa garce de sœur, pas très bien nommée celle-là !
Notaire et héritage
Tout a commencé six mois plus tôt en l’étude de Maître Devost, le notaire de la commune. Il est là pour une formalité, récupérer la part de sa sœur suite à son décès. Aimée, une vieille fille de trois ans son aînée, qui lui a reproché toute sa vie durant, son célibat. Ses récriminations revenaient comme un mantra. Qui entretiendra le domaine familial quand il ne sera plus ? Tout le travail de leurs parents dispersé vers des inconnus. Sans compter le nom de la famille qui risque de s’éteindre. René n’a jamais été porté sur la chose et la vie de vieux garçon à la ferme, lui convient parfaitement. Pourquoi s’enquiquiner avec une inconnue qui l’obligerait à avoir des activités sans intérêt pour lui ?
De jolis oiseaux
Sauf que l’annonce du notaire lui fait l’effet d’une douche froide. Sa chère sœur, propriétaire de la ferme avec beaucoup d’autres biens qu’ils ont hérité de leurs parents économes, lui impose une condition inacceptable s’il veut récupérer le bâtiment. Il doit se marier et avoir un enfant avant ses quatre-vingt-cinq ans, sinon tout ira à l’institut Pasteur. René tempête et se met à bénir la défunte avec toute une galerie de noms d’oiseaux. Loin des colombes et autres rossignols, ce sont des représentants de différentes races aviaires plus rustiques et un peu moins gracieux qui inspirent René. Le capitaine Haddock, lui-même, n’aurait pas pensé à autant de spécimens.
Quand il faut, il faut !
Le notaire confirme la validité du testament dûment enregistré au FCDDV (fichier central des dernières volontés) et rédigé par lui-même. René s’effondre, mais Maître Devost est pragmatique et possède un carnet d’adresse bien rempli sur toutes sortes de compétences. C’est pourquoi, il se retrouve aujourd’hui devant le maire, à donner son consentement pour épouser Olga, qu’il a rencontré pour la première fois il y a quinze jours. Maintenant, le voilà marié, la première partie du contrat se trouve remplie. Il lui reste le plus difficile à faire, concevoir un héritier en moins de deux ans. Ce n’est pas que la mariée ne soit pas appétissante, mais il n’a pas bien l’habitude de tout ça. La méthode manuelle lui suffit amplement pour ses besoins depuis toujours. Et encore, cela fait plusieurs années qu’il laisse son haricot au repos.
Une prestation médiocre
La nuit de noce n’apporte pas toutes les satisfactions espérées. Olga, pourtant, y met du sien, elle connait son devoir. René se désespère au vu de sa performance, adieu ferme, veau, vache, cochon, couvée. Dès le lendemain, cependant, il décide de prendre le taureau par les cornes et va voir son médecin de famille, le docteur Gustave. Il lui explique son soucis. Le docteur reste dubitatif sur ses chances de succès mais il l’encourage et lui prescrit des pilules bleues de forme carrée. Il l’abreuve ensuite de conseils pour que Olga participe activement à l’opération. Heureusement, René peut compter sur Vladimir pour traduire à l’épousée, les conseils prodigués par le médecin.
Une sœur inoubliable
Les résultats ne sont pas à la hauteur de l’investissement et René retourne voir le docteur Gustave. Celui-ci, vu l’urgence de la situation, décide de passer à la vitesse supérieure et convoque Olga pour lui expliquer, avec l’aide de Vladimir, ce qu’il attend d’elle. Cette fois-ci, elle devra faire directement dans le sexe de René, une injection qui lui permettra de tenir le temps qu’il faut pour l’honorer dignement. René, qui a horreur des piqûres râle un peu, mais il pense à sa ferme et consent à ce sacrifice. Il en profite pour tenir quelques propos à la mémoire d’Aimée, la sœur mal nommée, avec un nouveau nom d’oiseau auquel il n’avait pas encore pensé. Certaines catastrophes stimulent l’imagination.
René, le grand vainqueur.
Quelques mois plus tard, René retourne voir le docteur Gustave. Il est fou de joie, Olga est enfin enceinte, il va donc pouvoir garder sa ferme. Le médecin semble douter, mais le futur papa brandi un test de grossesse qui ne laisse aucun doute. « Votre histoire me rappelle celle d’un de mes anciens patients qui tenait à tuer un lion avant sa propre mort, sauf qu’il était bigleux. Un jour, alors qu’il était dans la savane avec ses guides, un énorme mâle survient et se précipite sur lui. Il est tellement terrorisé, qu’il attrape sa canne à la place de son fusil, il épaule et tire. Pan, il tue le lion ! » » Mais, c’est impossible docteur, quelqu’un a dû tirer à sa place ! » » Précisément René, c’est ce qui me rappelle votre cas ! »
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