Que faites-vous le cul par terre ?

Prendre la tortue de vitesse et se retrouver le cul par terre

Je m’ennuie

Je m’ennuie. Rester des heures dans un fauteuil, on peut rêver mieux. Le pire c’est que dehors, maintenant, il fait beau. Ce matin, il y a eu une grosse averse, parfaite pour arroser mes fleurs et mes légumes, mais il faudrait bien que je sorte pour arracher les mauvaises herbes qui doivent en profiter pour tout envahir. Le problème, on m’a interdit d’aller dehors si personne n’est avec moi. Il y a bien une jeune femme, Marinette, qui arrive vers onze heures trente, pour m’aider dans mes tâches quotidiennes. En attendant, je m’ennuie.

Une mémé high-tech

L’interdiction part d’un bon sentiment. Je viens de fêter mes quatre-vingt-un ans et mes enfants considèrent qu’à cet âge-là, on est fragile. Je dois faire attention. Bon, j’ai déjà quelques fractures à mon actif, mais j’ai eu le droit à quelques échanges standards. Au total ce sont quatre prothèses rien que sur mes jambes. C’est bien simple, je ne passe plus les détecteurs à l’aéroport, remarquez, je ne voyage jamais. Mes petits-enfants m’appellent Iron-Woman, je n’ai pas très bien compris pourquoi.

Titane et céramique

J’ai commencé en entrer dans le monde de la pièce détachée, il y a seize ans. À l’époque, ma hanche droite donnait de sérieux signes de fatigue. Ni une ni deux, je me retrouve sur le billard avec du matériel tout neuf à l’intérieur. Au niveau matériaux, je n’étais pas encore au point, on m’a collé du polyéthylène avec en face une bille métallique. Au départ tout allait à merveille. Sur ma lancée, trois ans après, j’enchaînais avec la deuxième hanche. Cette fois-ci, j’eu le droit à du titane avec une bille céramique, elle me donne, aujourd’hui, toujours satisfaction.

Et le genoux ? Ok les genoux.

L’usure progressant, on m’a ensuite proposé les genoux. Pourquoi pas ? Mon objectif ne sera pas de courir aussi vite que Usain Bolt, mais je pourrais peut-être dépasser Caroline ma tortue, qui, pour le moment, me bat à plates coutures. Je vois bien quand elle arrive au bout de la cour avant moi, elle se retourne et me regarde d’un air de dire : « Quelle traînarde celle-là ! »Je vais enfin pouvoir la remettre à sa place. C’est donc décidé, les deux genoux en pièces adaptables. Un écart de six mois entre chaque et le tour est joué. Manque de bol, je n’ai jamais pu lutter à la course contre Caroline, elle a voulu traverser la route en face de la maison en-dehors des clous, et paf ! La tortue.

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Le reste est d’origine

Équipée de cette façon, vous vous demandez pourquoi on refuse de ma laisser vadrouiller seule dehors ? C’est que je ne suis pas précisément une force la nature, je dois peser quarante-cinq kilos toute mouillée ! Il y a trois ans, mon vieux Nougat, un cocker hors d’âge, m’a laissé une mine au beau milieu du passage. Patatras, je zippe dessus, tombe cul par-dessus tête et me retrouve le cul par terre. Résultat des courses, ma prothèse en plastique, vous savez le polyéthylène, Kaput ! Obligée de procéder à un échange. Dans l’affaire j’ai demandé du titane, ça fait quand même plus chic.

Big Brother me surveille

Depuis, je suis surveillée, on m’a même collé un bip autour du cou. Tant pis j’en ai assez de poireauter, j’aperçois de ma fenêtre mon massif d‘Arums. Je vois bien qu’il commence à être envahi. il faut intervenir sans tarder. J’attrape donc une cagette pour stocker les ordures et me voilà partie. Un petit couteau pour m’aider, et hop je nettoie le tout. J’ai bien fait d’y aller, ce n’était pas grand-chose et c’est quand même plus net comme ça ! Il ne me reste plus qu’à évacuer les mauvaises herbes, direction le tas de compost.

Le cul par terre

Au beau milieu de mon allée, je ne sais pas comment je m’y prends, les graviers sont assez denses et vu leurs calibres, je manque d’appui, me voici le cul par terre ! Ce n’est pas vraiment une chute, mais plutôt une glissade, comme au ralenti. Le résultat est le même je me retrouve à la hauteur des pâquerettes. Mon premier réflexe est de tenter de me relever avant que quelqu’un me découvre dans cette fâcheuse posture. Peine perdue, ma souplesse n’est pas au top, même mon équipement d’Iron-Woman ne m’est d’aucun secours. A première vue, il est intact, le titane, il n’y a que ça de vrai. Je dois me résoudre à actionner ce fichu bip, je vais encore me faire enguirlander !

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Mon sauveur !

Je suis vautrée dans ma cour depuis dix minutes. Des autos passent devant mon portail grand ouvert, il y a bien un des chauffeurs qui va finir par me voir. Marinette n’arrive que dans une demi-heure c’est encore loin. Soudain un jeune homme entre.

  • – Bonjour Madame ! Que faites-vous au milieu de votre cour le cul par terre ?
  • – Ah Monsieur, auriez-vous l’amabilité de m’aider à me relever, j’en suis incapable.
  • – Bien entendu ! Je passais devant votre maison en voiture et je vous ai vu ainsi. Je me disais aussi que ce n’était pas normal que vous soyez dans cette position. Avez-vous quelque chose de cassé ?

De sauveur à complice

Je lui demande un appui, mais il me dit de le laisser faire. Il m’attrape sous les aisselles et, sans effort apparent, me soulève et me remet d’aplomb. Il m’offre son bras et me raccompagne jusqu’à mon fauteuil préféré. Je me laisse aller dedans avec délice. A peine installée que mon téléphone sonne. C’est l’organisme qui gère ce maudit bip qui vient vérifier pourquoi je l’ai déclenché.

  • – C’est une erreur ! j’ai appuyé dessus par inadvertance. Je vous remercie de votre appel, vous faites parfaitement votre travail. Excusez-moi pour le dérangement.

L’homme me regarde d’un air amusé

  • – j’ai l’impression que vous ne leur avez pas dit toute la vérité.
  • – Vous n’allez pas leur dire surtout ! S’ils apprenaient que je suis sortie sans leur permission, mes enfants seraient capables de mettre une clôture électrique pour m’empêcher de passer !

Deux boudoirs pour la peine.

Il me promet de ne pas cafter. De mon côté, je lui assure de ma prudence de tous les instants. Avant de repartir, je tiens absolument à lui offrir deux beaux boudoirs d’une boite que j’entame exprès pour lui. Il apprécie le geste et les avale sans se faire prier. Je le remercie encore pour sa gentillesse et il s’en va. Heureusement qu’il reste encore quelques bon samaritains en ce bas monde, prêts à secourir les vieilles qui se retrouvent le cul par terre.

Ami lecteur, si toi aussi tu as eu l’occasion de secourir une personne en difficulté, le cul par terre, tu peux me laisser un commentaire. Que penses-tu de l’attitude de la vieille dame ?

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