Soirée d’hiver en Normandie
Il ne fait pas beau aujourd’hui. Il faut reconnaître qu’un 12 janvier en Normandie, il y a rarement la canicule, plutôt un temps pour un Monsieur Grenouille. Bien calé dans mon fauteuil préféré, je lis un roman fantastique où des elfes maléfiques veulent dominer le monde connu. J’arrive au moment où le héros chevauchant un dragon va sauver la princesse en détresse. Ma vieille chatte en profite pour se réfugier sur mes genoux. Ils doivent être confortable, car elle les squatte souvent, et moi, cela me tient chaud.
Une chatte curieuse
Elle lève la tête et me demande si mon roman est vraiment intéressant ? Je suis un peu surpris par sa question, pour commencer, c’est la première fois qu’elle me parle en utilisant le français. D’habitude, elle se contente de miaulements plus ou moins expressifs. Comme elle insiste, je lui réponds que j’ai connu mieux, même si celui-ci est bourré d’action. Je la prie de me laisser finir le sauvetage de la princesse et que ce n’est pas très poli d’interrompre une lecture en cours.
Raconte-nous ton histoire
Elle me dit que si je veux connaître une histoire vraie de sauvetage, elle peut me raconter ce qu’elle a vécu avant que je la recueille dans notre foyer. Je sens que cela lui fait plaisir de se raconter et c’est la première fois qu’elle prend la peine de s’exprimer. Je l’encourage donc à me narrer son histoire. Mon épouse, qui revient d’entretenir ses massifs dans le jardin, se pose quelques minutes pour profiter aussi du récit de notre vieille chatte noire Bagheera.
Une mère célibataire
« Je venais d’avoir 5 mois et je n’avais pas de famille en ce temps là. Je traînais un peu partout en campagne, à la recherche perpétuelle de nourriture ou d’une gamelle que des humains, qui avaient mauvaise conscience, me laissaient parfois. J’avais quelques adresses, mais je n’arrivais pas à me faire adopter définitivement. Un joli matou me conta fleurette un soir de pleine lune et, 2 mois plus tard, j’eu trois merveilleux chatons. Je ne pu, malheureusement, n’en garder qu’un. je le nommais Félix, je sais, rien d’original, et je veillais jalousement sur lui.»
Félix le chaton
« Je ne savais pas que tu avais eu un chaton ? qu’est-il devenu ? » « Si tu m’interromps tout le temps, je ne vais par réussir à terminer mon histoire ! » « Excuse-moi ! tu peux continuer, je ne recommencerai plus. » « Un jour que nous nous promenions Félix et moi, près du grand étang, une bande de garnements nous surpris et ils s’emparèrent de mon chaton adoré. Je leur demandais de le reposer tout de suite par terre, mais, en ce temps-là, je ne parlais pas et ils n’ont rien compris à mes miaulements. Je pense même qu’ils se réjouissaient de me voir en panique. »
Un grand péril
« Ils riaient fort et se passaient Félix de mains en mains. Je changeais d’attitude et me préparais au combat. Je fis gonfler mon pelage et devint soudainement 2 fois plus grosse afin de les impressionner. Cela les fit rire un peu plus. Le plus boutonneux du lot eut une idée. Ils récupérèrent une planchette de bois, posèrent mon ange dessus et le poussèrent vers le milieu de l’étang ! Les vauriens ! Ils partirent, bien contents de leur mauvais tour. Je m’époumonais sur le bord, impuissante, à regarder mon fiston risquer la noyade. »
Monsieur Grenouille
« J’étais tellement affolée par cette situation, que je ne remarquais pas un Monsieur Grenouille verte qui me dévisageait. Il me demanda pourquoi je criais si fort, il fallait que je me calme, parce qu’il allait commencer son chant de séduction pour les dames grenouilles du secteur. Mes miaulements allaient les faire fuir et pas de radada pour lui ! Je comprenais bien son problème, mais Félix était en danger de mort. Je lui expliquais la situation. Il regarda au loin et vit le frêle esquif qui menaçait de sombrer. »
Mon sauveur
« En quelques brasses vigoureuses, il rejoignit le radeau de fortune. Il rassura le passager et entreprit de le pousser vers la berge. Moins d’une minute plus tard, Félix fut sauvé ! Je remerciai chaleureusement ce Monsieur Grenouille qui m’expliqua que c’était tout naturel de s’entraider. Il me dit que j’aurai forcement fait la même chose à sa place. Je n’en était pas convaincue mais je venais de comprendre le concept de solidarité. »
Le chant de séduction
« Monsieur Grenouille, maintenant que rien ne peut perturber son chant, entonne quelques coassements harmonieux en gonflant largement son sac vocal situé sous sa bouche. Il y met du cœur, car il sait qu’il ne pourra « pécho » une dame grenouille qu’avec une chanson sans fausses notes. La concurrence est sévère, il y a au moins 20 autres prétendants qui tentent de rivaliser avec lui. Il reprend donc de plus belle. Alerte ! ces chants d’amour ne font pas qu’attirer les dames grenouilles, le héron, qui entend tout, atterri au beau milieu des messieurs et en gobe directement deux. »
Attention Monsieur Grenouille !
« Une débandade, c’est le cas de le dire, survient et Monsieur Grenouille tente de s’échapper en plongeant. Mais le héron l’a repéré et de son long bec emmanché d’un long cou, il saisit notre héros. D’un mouvement adroit de la tête, il lance l’infortuné en l’air pour pouvoir le gober à son tour. Soudain, Je suis sur son dos, il n’a pas vu le coup venir. Il rate Monsieur Grenouille qui en profite pour prendre la poudre d’escampette. Le volatile effrayé s’envole vers d’autres mares, et je retombe sur mes pattes. »
La solidarité
« Je n’ai jamais revu ce Monsieur Grenouille, j’espère qu’il a pu rejoindre sa dame pour faire son affaire. Pour ma part, mon chaton un mois plus tard fut sevré et adopté par une famille qui, je pense, le traite bien. Vous m’avez trouvé et adopté à mon tour la semaine suivante. Je vous en remercie encore, mais vous pouvez témoigner que je vous ai apporté beaucoup de satisfactions, vous avez le droit de me caresser quand je le veux ! »
Une histoire vraie ?
Je dois reconnaître que son histoire de sauvetage est presque aussi impressionnante que celle de mon livre. Mais, l’enthousiasme que je lui manifeste, n’est pas assez démonstratif pour elle ! Je l’interroge afin de connaître quelques détails supplémentaires, rien, elle ne veut plus nous parler et retourne faire la sieste, son occupation favorite ! Je ne suis pas certain que cette histoire vraie va convaincre beaucoup de monde. Un héron qui se laisse surprendre par un chat, ce n’est pas très crédible.
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