Ce dimanche matin, je suis très déçu. Je poireaute seul au rendez-vous pour la randonnée VTT hebdomadaire. Pourtant, ce moment sacré représente une véritable communion avec la nature. La dépense d’énergie permet d’envoler tous les tracas de la semaine. Je pense que mes co-vttistes constatent qu’ils doivent passer au mode électrique pour soutenir la cadence infernale que j’imprime à chaque sortie. Ils rentrent dans un état de délabrement avancé, ce qui provoque l’ire de leurs compagnes respectives quand ils s’avachissent lamentablement dans leur canapé juste après le repas dominical afin de récupérer de leur effort matinal. Il suffit qu’en plus, leur bruyant sommeil se déroule devant un grand prix de formule 1 ou un match de rugby, ils aggravent leur cas. Pour se dédouaner, ils me mettent tout sur le dos et mon allure trop soutenue. Bref, ce matin ils ont dû céder à leurs moitiés. Je me retrouve Rémi.
Suivez ma trace GPS en VTT
Cette situation n’entame en rien mon envie d’arpenter au guidon de mon engin, les chemins creux qui pullulent sur le secteur. J’appuie donc sur mes pédales et lance ma fidèle monture vers des sentiers boueux à souhait. J’organise mentalement tout le déroulé du parcours. Ce matin je me dirige vers les buttes de Placy Montaigu (Placy montre-ton-cul comme nous disons entre nous). J’aime bien cette virée qui alterne les montées raides comme la face nord du mont Blanc et des descentes dignes du gouffre des roches de Ham. Le seul bémol vient d’une partie que je dois parcourir dans les 2 sens, alors que je préfère les boucles. Un détail comme celui-là ne m’arrête pas, au contraire, je vais donner à la trace GPS de mon parcours VTT, une forme en huit qui changera des formes patatoïdes habituelles.
Les loups ne sont pas loin
Je vais bon train et justement j’attaque la montée que je descendrai tout à l’heure. Plus je monte, plus des beuglement désespérés arrivent à mes oreilles. Que se passe-t-il ? Sans doute une vache qui se fait attaquer par des loups. Sauf qu’il n’y a plus de loups depuis 1888, date officielle de leur éradication de la région. Donc ce doit être une autre cause. je ne tarde pas à découvrir l’origine de ces cris déchirants. Une vache qui pense que l’herbe est plus verte dans le pré du voisin, a voulu allonger sa langue jusqu’à un bouquet de bleuets situé juste derrière la clôture de son champ et, en glissant sa tête sous le fil de fer barbelé, a coincé ses deux cornes dedans. Manque de bol pour elle, la morphologie de ses appendices kératinés, s’apparente au tire-bouchon, si bien qu’elle ne peut plus manœuvrer pour se retirer.
La cousine de la vache à roulettes
Je ne peux pas laisser un animal en détresse ainsi, surtout que je trouve qu’elle ressemble à ma copine vache qui fait du roller. J’interrompt donc mon effort pour voler à son secours. Plus facile à dire qu’à faire. Bien qu’elle ait détecté en moi un allié qui peut la sortir de son pétrin, la situation n’évolue guère. Le fil est solide, les poteaux bien arrimés, le retrait en force semble compromis. Je mets presque un quart d’heure à force de conseils d’encouragements et de guidages pour qu’enfin la première corne se libère. trois minutes plus tard, elle peut enfin rejoindre ses copines qui continuaient de brouter tranquillement pendant sa mésaventure. Elle s’éloigne, visiblement soulagée mais sans même un merci pour ma contribution. Elle me tourne carrément le dos et m’ignore. Pas très reconnaissant le bovidé !
Jolis bourgs Normands à VTT
Je remonte sur ma bécane et finis l’ascension de cette côte. Ma moyenne vient de chuter, Je vais donc faire souffrir la chaîne un peu plus pour rattraper ce retard. Même si personne ne m’attend, il faut bien se lancer des défis. Je pousse l’itinéraire jusqu’à Dampierre et son château. Un ruisseau que je descend sur cent mètres et je parviens jusqu’à l’église de Saint Jean des Essartiers qui a la particularité de se situer au milieu d’un rond-point avec son cimetière. Ce point du parcours se situe à mi-route (entre Sousse et Monastir pour les connaisseurs) de ce que j’ai prévu. J’entame alors un retour vers mon point de départ par un autre chemin. J’arrive à l’embranchement du sentier où j’ai sauvé la vache. Elle a, sans doute, bien compris la leçon et dorénavant, elle ne tentera plus d’avaler les bouquets de bleuets du chemin attenant.
Arrêt technique
Cela va beaucoup plus vite dans ce sens. La descente est vertigineuse, mais facile avec un VTT tout suspendu comme le mien. Je prends de la vitesse quand soudain, un arbre traverse le chemin sans regarder. Je ne peux l’éviter et j’entame un vol plané stratosphérique. La chute n’en est que plus rude. Je me vautre, pour arranger mon cas, dans un épais buisson d’orties. Je suis complètement sonné et je perds le fil du temps. Heureusement que je suis ganté et casqué, sinon j’aurai pu avoir des problèmes plus importants. Des bruits bizarres me tirent de mon évanouissement. Ils me rappellent vaguement quelque chose mais pour le moment, le brune ne s’est pas encore levée dans ma tête. Instinctivement, je cherche mon téléphone pour appeler des secours mais, la violence de la chute l’a brisé. Aïe, aïe, aïe caramba !
Un bienfait n’est jamais perdu
Quelqu’un bouge près de moi. Je tourne la tête pour tenter de voir ce sauveur éventuel. Cela fait un mal de chien. Je finis par comprendre qui est là. La vache que j’ai sauvée tout à l’heure a été le témoin oculaire de mon ennui. Elle est donc venue voir de plus près ce qui se passe exactement. En me voyant inanimé dans les orties, elle s’est mise à meugler pour me réveiller. Je la rassure et je lui demande de me prêter son téléphone, manque de pot, elle n’en a pas. Soudain, je la vois se retourner et détaler au triple galop de vache. Elle passe hors de ma vue, mais ses mugissements deviennent plus forts. Au bout de cinq minutes, elle revient accompagnée de son paysan. Lui a un téléphone portable pour appeler les pompiers. Comme quoi, un bienfait n’est jamais perdu, je l’ai sauvée, elle me sauve.
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