Cet été, je décide d’aller dans le sud de la France. Figurez-vous que je connais très peu cette zone, notamment toute la région de l’estuaire du Rhône avec la Camargue. C’est très joli parait-il. Cependant, la chaleur étouffante qui règne sur le secteur, change de mon crachin normand habituel. Mais justement, les vacances permettent de voir et faire des choses dont on n’a pas l’habitude. Quoi de plus dépaysant, par exemple, que d’assister à un spectacle inconnu au nord du midi ? Je me rends donc à Nîmes et ses célèbres arènes, afin de participer à une corrida. Je sais que cette pratique soulève des polémiques, mais je dois, par curiosité, me faire une idée par moi-même.
Tous le monde se prépare
Les gradins débordent. Pour arriver jusque là, certains ont du faire la queue pendant près de deux heures sous un soleil de plomb. Cependant, la récompense arrive, le spectacle va commencer d’ici quelques instants, enfin ! L’air se charge d’électricité et chacun retient son souffle. Je vous rassure, les gens respirent quand même, physiologiquement, cela aide a passer de bonnes journées. L’affluence provient de l’affiche exceptionnelle du jour. Un aficionado, assis juste à ma droite, exulte. Le grand torero, Manuel Del Savo el Vivro, nous fait l’honneur de partager son art avec nous. Il vient jusqu’ici en France, loin de Séville sa patrie en Espagne, la ville du célèbre barbier. Je me sens honoré.
La corrida va commencer
Le cérémonial démarre en musique. Une fanfare nous met une ambiance terrible avec trompettes, trombones et autres tambours, un pot pourri de paso doble détend le public. Deux cavaliers, habillés pour ne pas passer inaperçus, déboulent et avancent au pas d’un air martial. Mon voisin, devinant à mon bronzage écarlate que j’arrive d’une autre contrée, m’explique gentiment le déroulé. Ils se dirigent vers le président du lieu pour obtenir l’autorisation de démarrer. De mémoire d’homme, aucun ne s’y est encore jamais opposé. Tous les protagonistes défilent dans l’arène les uns derrière les autres afin qu’on puisse les admirer et les applaudir. L’ambiance monte d’un cran.
La sortie du taureau
Le moment attendu par la foule se précise. Le matador se positionne face à la sortie du toril et attend le fauve de pied ferme. Au bout de deux minutes, il ne se passe rien. La foule commence à bourdonner. Quelques pschitts ont du mal à la calmer. Au bout de cinq minutes, le bourdonnement se transforme en grondement, l’orage couve ! Plusieurs meuglements redonnent l’espoir d’un démarrage imminent. Un magnifique taureau, Hannibal, entre alors dans l’arène, mais son attitude n’est pas très belliqueuse. Il ignore purement et simplement le grand Manuel Del Savo el Vivro ! Quel affront ! Aussitôt un traducteur français-bovin se déplace pour demander au taureau la raison de son attitude. Afin d’éviter que tout le monde n’entende la conversation, l’orchestre redémarre.
Musique et corrida
Même quand la musique est bonne, quand la musique sonne et qu’elle ne triche pas, la foule s’impatiente. Nous assistons à un conciliabule entre les représentants de l’organisation et les bovins, car entre-deux, un troupeau de vaches rejoint Hannibal. « Entourer le taureau avec ses compagnes, permet de le calmer » affirme mon voisin. Je veux bien le croire, mais là, cela ne fonctionne pas vraiment. Les vaches ont l’air encore plus remontées. La rumeur parvient jusqu’à nous, nous sommes en plein conflit syndical. Une nouvelle vache, qui a rejoint le troupeau la semaine dernière et qui maintenant entraîne tout le monde, milite à la CGTB (Confédération Générale du Travail des Bovins). Leurs réclamations sont : arrêt de la mise à mort des taureaux à la fin de chaque représentation, de meilleures conditions de travail notamment avec l’ajout de brosses rotatives pour masser le dos et une augmentation de 10% des rations.
Une action syndicale forte
Plus je regarde cette vache meneuse, plus je me dis que je la connais. En attendant, tout le spectacle se trouve bouleversé et la foule, qui est venue pour voir du sang, commence franchement à monter le ton. Une émeute menace. La musique reprend de plus belle, pour tenter d’adoucir les mœurs. Soudain, le silence. Le président se lève et prend la parole : « Mes chers amis, nous sommes pris en otage par une organisation syndicale irresponsable. Elle profite lâchement que nous soyons tous ici réunis, pour perpétuer cet art traditionnel, afin de saboter le travail d’artistes. Ma responsabilité, m’oblige donc à stopper cette corrida, car personne n’a le cœur à continuer sous la menace. Cependant, beaucoup d’entre-vous sont en vacances et ont payé pour un spectacle. Nous allons donc changer la configuration de la piste et vous assisterez à un événement unique. Un peu de patience, je vous remercie. »
Changement de programme
J’interroge mon voisin sur ce qui va se passer, il m’avoue impuissant qu’il n’en sait rien. Drôle de guide ! Lui qui frimait tout à l’heure, maintenant, profil bas ! Sous une musique de plus en plus entraînante, des ouvriers, non syndiqués, montent un immense plancher en bois sur le sable. Leur efficacité est telle, qu’en moins d’un quart d’heure, tout est prêt. Un aboyeur se positionne au milieu de plancher et annonce façon « Monsieur Loyal » les nouvelles artistes qui entrent en scène. Et, dans un bruit de roulement continu, douze vaches casquées se précipitent sur le parquet avec des patins à roulettes accrochés à leur sabots. Elles se lancent dans plusieurs tours d’échauffement.
Une corrida nouvelle formule
Çà y est ! Je viens de reconnaître la vache meneuse de tout à l’heure ! C’est elle qui était sur l’autoroute lors de mon stage à Paris. Je vous encourage à relire cette aventure. Nous assistons donc à des séries de courses à quatre vaches sur rollers. Elles doivent accomplir trois révolutions par épreuve avec les peones qui cherchent à les déstabiliser avec leurs capotes à coup de véroniques. Le public, un moment circonspect, lance des « olé » à chaque passe. Il adhère complètement à cette nouvelle discipline de la tauromachie. Hannibal regrette le spectacle dont il aurait dû être la vedette et tente quelques tours de pistes sur les rollers, mais, il est vite ridicule et s’en retourne vers ses pâturages. Pour finir, ma copine la vache gagne les épreuves sous les hourras et le petit singe grimpe sur son dos les bras en V comme signe de victoire.
un twist finale totalement inattendu avec un crossover digne des films Marvel. Histoire très palpitante. Je recommande 👍
Merci Clément pour ce commentaire enthousiaste, Hannibal n’est pas totalement satisfait de cette histoire parce qu’il est meilleur au skateboard et il aurait pu briller.